Déclaration des syndicats de la FSU : SNEP-SNES-SNUEP-SNUIPP-SNESUP

CAPA du 3 avril 2023

Monsieur le Recteur,

Nous ne pouvions installer cette CAPA sans revenir sur le contexte social actuel qui nous a amené·es à boycotter la CAPA du 22 mars dernier.

Le pays traverse actuellement une crise sociale dont l’ampleur est historique. Jamais depuis 20 ans une réforme, celle des retraites en l’occurrence, n’a autant mobilisé : depuis le 19 janvier des millions de travailleuses, travailleurs, jeunes et retraité.es ont exprimé avec force et dignité leur refus de cette réforme brutale, injuste et injustifiée, symbolisée par le recul de l’âge légal à 64 ans et d’un allongement des trimestres de cotisation. Cette formidable mobilisation sociale, organisée par l’ensemble des organisations syndicales, touche tous les secteurs professionnels, avec de nombreuses grèves reconductibles, et tout le territoire, avec des manifestations toujours suivies aussi bien dans les grandes villes que dans les petites localités de notre pays.

Ce mouvement social exemplaire a mis en échec, devant l’Assemblée nationale, le président de la République et son gouvernement qui, au lieu de retirer leur projet, l’ont fait passer en force en ayant recours au 49-3.

L’intersyndicale juge avec gravité la responsabilité que porte l’exécutif dans la crise sociale et politique qui découle de cette décision, véritable déni de démocratie ! Forte du soutien de la grande majorité de la population, mobilisée depuis des semaines, elle continue à exiger le retrait de cette réforme en toute indépendance dans des actions calmes et déterminées, malgré les provocations et les exactions d’une certaine frange de la police représentée par les BRAVM.

La FSU appelle également à poursuivre la mobilisation sous toutes ses formes en espérant que le président, dans son entêtement aveugle, cesse de bloquer le pays en promulguant sa loi.

L’installation de cette CAPA est aussi l’occasion de revenir sur le déroulement desélections professionnelles de novembre dernier.

Nous déplorons tout d’abord une participation en berne depuis le passage au vote électronique, avec en plus cette année une proposition complexe qui a empêché un certain nombre de nos collègues d’exprimer le choix de leur organisation syndicale représentative. La liste des nombreux problèmes identifiés nécessitera un bilan sérieux et exhaustif. Devant l’incapacité de l’administration à proposer des solutions satisfaisantes via le vote électronique, nous continuons à revendiquer le retour au vote à l’urne sur le lieu de travail qui favorise la participation du plus grand nombre et notamment des plus précaires (AED, AVS, AESH, contractuels enseignants), avec des bureaux de vote dans chaque établissement.

Malgré ces difficultés nos collègues ont de nouveau confirmé de manière massive leur attachement et leur forte adhésion aux valeurs, aux revendications et au travail que mènent les syndicats de la FSU pour l’éducation et pour les personnels, les résultats de ce scrutin confèrent à l’ensemble des commissaires paritaires du SNEP, du SNES, du SNUEP, du SNUIPP et du SNESUP, une représentativité incontestable, dont toute tentative de remise en cause ou de contournement constituerait un véritable déni de démocratie.

C’est forts de cette représentativité significative que nous continuons à dénoncer le fonctionnement actuel des CAPA, vidées de leurs prérogatives par la loi de transformation de la fonction publique. Le très récent rapport Arenas/Rihlac précise d’ailleurs que « « La participation des organisations syndicales aux opérations du mouvement, au travers des organismes paritaires, doit être renforcée, pour mettre fin à la défiance vis-à-vis de l’institution qui résulte de la suppression des commissions administratives paritaires »

C’est forts de cette représentativité significative que nous continuons aussi à dénoncer la situation salariale faite aux personnels. Lundi 6 mars, les syndicats enseignants réunis autour de la table des négociations du ministère pour évoquer le problème majeur de la rémunération dans l’Éducation nationale ont fait le choix de quitter les négociations dans le contexte des discussions autour du pacte enseignant.

Nous souhaitons aujourd’hui interpeller l’administration sur le volet de cette bien mal nommée revalorisation. Aux dires du ministère, le pacte enseignant vise à améliorer la qualité du service public, en augmentant « substantiellement » la rémunération des professeur·es, CPE et psychologues de l’Éducation nationale, en alignant la rémunération du premier degré sur le second tout en limitant les inégalités professionnelles entre femmes et hommes…

Si ces objectifs sont conformes aux revendications de la FSU, le fait de les conditionner à l’attribution de missions supplémentaires en retire toute la valeur de revalorisation, il s’agit ni plus ni moins d’un énième retour à la logique du « travailler plus pour gagner plus », machine de guerre lexicale pour campagne électorale qui ne rencontre pas le succès attendu et pour cause : elle part du présupposé selon lequel les obligations réglementaires actuelles de nos collègues laissent de confortables marges de manœuvre pour accepter des missions supplémentaires si elles ou ils souhaitent être justement rémunéré·s pour leur travail…

Il est regrettable que le ministère néglige à ce point l’ampleur du malaise qui traverse actuellement nos professions et dont le peu d’engouement que suscite les recrutements aux concours ou les vagues de démissions sont pourtant un marqueur important.

Par ailleurs, souhaiter vouloir réduire les inégalités entre femmes et hommes en mettant en place ces outils sont au mieux un vœu pieux, au pire un véritable mépris de la part du ministre. Est-il besoin de rappeler que les missions sont le plus souvent acceptées par les hommes car les femmes supportent encore largement d’autres charges, parmi lesquelles les charges domestiques qui sont autant d’obstacles à un investissement professionnel plus important ?

Les conséquences d’une mise en concurrence des collègues auront forcément des effets délétères sur le fonctionnement des établissements, d’une part en fragilisant le travail des équipes, alors que l’éducation nationale, particulièrement dans les établissements difficiles, a besoin de collectifs de travail solides, mais aussi en encourageant les collègues à accepter de plus en plus de missions afin d’être valorisés auprès de leur hiérarchie.

Pour en finir avec les questions générales, nous dénonçons le démantèlement de l’éducation nationale au travers de la réforme catastrophique du lycée Général et Technologique, et du projet de réforme des lycées professionnels. Par ailleurs les conséquences des dotations insuffisantes sont multiples et s’amplifient d’année en année, entre les suppressions de postes et les augmentations massives des heures supplémentaires, les tensions s’accroissent dans les établissements, dans les équipes pédagogiques, entre équipes pédagogiques, entre personnels et personnels de direction… Nous en sommes témoins partout et continuerons de nous battre pour un budget à la hauteur de nos ambitions pour nos élèves.

En ce qui concerne la CAPA, nous avons besoin d’un temps spécifique pour discuter avec vous du projet de règlement intérieur afin de le faire évoluer. Une fois validé et envoyé à tous les membres titulaires et suppléant·es de la parité syndicale et administrative, un rappel de la nécessaire obligation de discrétion professionnelle nous semble indispensable, concernant tous les faits et documents dont les membres ont eu connaissance avant ou pendant la tenue de la commission paritaire. De cette obligation de confidentialité découle notre ferme opposition à toute tenue de CAPA en distanciel.

Également, tou·tes les élu·es titulaires et suppléant·es doivent pouvoir assurer leur mandat en disposant du temps nécessaire et des moyens indispensables pour préparer chaque CAPA, intervenir en séance et en rendre compte. Cela passe par le respect, a minima, des dispositions réglementaires en matière de transmission et de réception des documents et par le remplacement des commissaires paritaires.

La composition de cette CAPA nous interpelle aussi fortement : aucun IPR d’EPS alors que les enseignant·es d’EPS avaient une CAPA spécifique, une minorité d’IPR du second degré alors que les collègues du second degré certifié·es et agrégé·es représentent la grande majorité des collègues…Le manque de considération de ces personnels est flagrant.

La mise en place depuis 2017 des nouvelles modalités d’évaluation permet à chaque enseignant·e de bénéficier d’un rendez-vous de carrière à 3 moments définis statutairement. Cet élément est une avancée importante car il favorise l’équité entre les collègues. Rappelons qu’avant, des enseignant·es pouvaient ne pas être inspecté·es pendant 10, voire 15 ans, ce qui impactait nécessairement leur avancement. La mise en place d’un possible rendez-vous de carrière de rattrapage en septembre est également une avancée, mais nous contestons toujours le fait que les collègues n’ayant pas pu bénéficier d’un rendez-vous de carrière n’aient pas la possibilité de contester leurs appréciations. Cela concerne quand même 25 collègues dans l’académie.

La transparence de la grille connue à l’avance, même si nous avons encore des remarques sur certains items, est également une avancée. D’ailleurs les rectorats pourraient aller plus loin en publiant à la profession la grille des indicateurs de niveaux pour chaque item.

Mais il reste un vrai problème, celui des quotas de promotion, qui induit des incompréhensions et génère des rancœurs vis-à-vis du système global. Rappelons ici qu’il n’existe pas de quota sur les avis. Nous nous étonnons à ce sujet que les professeur·es d’EPS n’obtiennent que 20% d’avis excellent au total des 3 rendez-vous de carrière alors que les certifié·es en obtiennent 27% et les agrégés 41,9%… Seraient-ils et elle moins « compétent·es » que leurs collègues du second degré ? Nous attendons des réponses précises de votre part. D’autre part, obliger des collègues à faire un recours gracieux, puis à saisir la CAPA quand ils ont 10 avis excellent et 1 avis très satisfaisant est irrespectueux pour eux, méprisant par rapport à leur investissement professionnel et incompréhensible en tant qu’enseignant formateur et évaluateur. Que diriez-vous de nous si nous agissions de cette façon avec nos élèves ? Le sens et la valeur de cette évaluation en sont complètement dénaturées.

Que chaque collègue puisse bénéficier d’une « évaluation/formation » ne nous pose pas problème, au contraire, les temps de retour sur notre pratique étant peu nombreux, mais les rendez-vous de carrière devaient permettre des échanges professionnels pour prendre du recul et progresser, or, tant qu’ils seront connectés à l’avancement, ils ont trop souvent l’objectif de classer les collègues.

La FSU continue de demander une déconnexion complète entre l’évaluation et l’avancement, seule orientation permettant de gommer les injustices. Rappelons ici qu’à la Hors classe et à la classe exceptionnelle, tous les personnels évoluent au même rythme, sans que cela n’ait la moindre conséquence sur la qualité et la quantité de travail de ces personnels, bien au contraire. Nous dénonçons également les modalités de recours qui sont trop longues et dissuadent, de fait, les collègues.

Le mandat donné par nos collègues est très clair : il est celui de la transparence des actes de gestion, d’une carrière pleine et entière accessible et atteinte par toutes et tous, de règles équitables et justes pour toutes et tous. Il n’est pas celui des aléas, du discrétionnaire. Nous serons les garant·es du droit de chacun·e dans le respect du droit de toutes et tous.

L’importante représentativité que nous confère le scrutin de décembre 2022 renforce la responsabilité qui est la nôtre.

Soyez persuadé, Monsieur le Recteur, que nous remplirons avec conviction le mandat qui vient de nous être confié, avec l’engagement qui nous caractérise, et que nous aurons à cœur d’associer en permanence nos collègues à notre activité et de faire résonner leurs revendications dans cette instance.