Déclaration liminaire FSU
Hasard du calendrier, ce CAEN se tient le jour où le ministre de l’éducation nationale organise une opération de communication d’ampleur autour d’un colloque étroitement lié avec le Grenelle de l’éducation, intitulé « quels professeurs pour le 21ème siècle ? ». Vingt ans après le début de celui-ci, il était temps de s’interroger !
Avec ce colloque, le Ministre cherche en fait à donner une caution « scientifique » à sa volonté de transformer les métiers pour les adapter à sa vision de l’École : dénaturations des missions, accroissement des injonctions pédagogiques, affaiblissement des cadres collectifs et renforcement de l’autonomie des établissements, etc.
Au-delà de ce colloque, c’est l’ensemble du Grenelle des Professeurs qui risque bien d’accoucher d’une souris, et encore… Pour s’en convaincre, il suffit d’observer l’évolution des promesses de revalorisation qui fondent comme neige au soleil : de 10 milliards sur quinze ans en janvier, on est passé à 400 millions pour le projet de loi de finances 2021, 69 % des professeurs et assimilés ne toucheraient rien et aucune loi de programmation n’est annoncée. Quant à la prime d’équipement de 150€, elle est notoirement insuffisante à la vue de l’investissement des personnels dans leur équipement de travail. En outre, elle néglige les CPE et professeurs documentalistes.
En fait, ce Grenelle, par la composition de ses intervenants, rassemblant un aréopage de personnalités dont les compétences en matière de système éducatif sont souvent peu évidentes, a pour objectif de diluer au maximum la parole des spécialistes, des professionnels de l’éducation et des organisations représentatives. Les premiers échos des ateliers montrent qu’il s’agit le plus souvent d’un exercice d’occupation et de bavardages bien peux utiles. Nous sommes ainsi heureux d’apprendre par le biais d’un ancien rugbyman que « dans un collectif, il faut que tout le monde puisse s’exprimer et qu’il ne faut laisser personne de côté ». Personne n’y avait pensé…
Cette volonté de diluer la parole syndicale, de contourner les organisations représentatives qui tirent leur légitimité d’une élection, est une façon de fonctionner de ce ministre, nous l’avons observé depuis son arrivée rue de Grenelle. Ses passages en force répétés, malgré l’opposition de la majorité, voire de la totalité des représentants élus posaient déjà un problème démocratique. Mais l’affaire qui a éclaté dans la presse à propos du syndicat « avenir lycéen » dépasse toutes les bornes. Si les faits sont avérés ils sont très graves car ils toucheraient aux principes fondamentaux de notre démocratie. L’utilisation des moyens de l’administration pour favoriser une association lycéenne, favorable aux réformes portées par le ministre, dans le but de faire taire toute contestation relève du déni de démocratie. L’émoi provoqué par ces révélations est très profond et toute la lumière doit être faite sur cette affaire. En réponse, le Ministre a choisi une fois de plus l’outrance et le dénigrement en laissant entendre que le SNES-FSU serait l’instigateur de cette affaire et en assimilant ce syndicat de la FSU à l’ultra gauche. Cette perte de sang-froid démontre la fébrilité du ministre sur cette affaire. C’est pourquoi la FSU demande à ce qu’une enquête indépendante soit conduite. Le rectorat d’Orléans-Tours a été mis publiquement en cause et l’ensemble des personnels attend des réponses de votre part, au-delà de ce que vous avez pu déjà répondre, notamment dans la République du Centre. D’ailleurs, vos propos laissent songeurs, Madame la Rectrice, puisque vous confirmez bien que le rectorat, par de délégué à la vie lycéenne, a « invité » les représentants lycéens au CAVL à rédiger un communiqué. Imaginerions-nous que vous fassiez la même chose avec les représentants au CAEN ou de toute autre instance ? En outre, l’incitation à l’utilisation du mot dièse « avenir lycéen » n’a pas été démenti, alors même que cette association n’était pas encore créée. Qui a conseillé son utilisation ? Pourquoi les lycéen-ne-s n’ont pas été informés de ce qu’il recouvrait une fois que l’association a été créée ?
En tout cas, cette affaire réduit à néant le peu de crédibilité qu’il restait au ministre au yeux de la profession. Rarement le rejet et la défiance des personnels vis à vis de leur ministre n’a été aussi forte. Aujourd’hui, la FSU interroge publiquement la crédibilité du ministre à continuer d’être l’interlocuteur des personnels et à conduire une autre politique éducative.
Ceci dit, le discrédit du ministre ne date pas de cette affaire et il avait bien progressé avec la gestion de la crise sanitaire. Alors que nous avions alerté et insisté sur la nécessité de prendre des mesures de prévention dès la rentrée de septembre, sur la nécessité de prendre en compte la situation particulière du confinement vis à vis des apprentissages et donc d’alléger les programmes scolaires, d’annoncer dès le début de l’année les aménagements aux examens de cette session, c’est au contraire une impréparation totale et un manque d’anticipation qui a dominé depuis la rentrée. Il aura fallu la mobilisation des personnels pour obtenir la mise en place d’un protocole dans les lycées permettant d’alléger les effectifs d’élèves en classe. Néanmoins, la question des écoles et des collèges demeure entière. Notre objectif est bien d’éviter à tout prix un confinement total tel que nous l’avons connu au mois de mars. En cette période de crise, les décisions ne peuvent pas être prises de manière déconnectées et par une seule personne. Pour apaiser les tensions qui apparaissent dans la société, il faut au contraire s’appuyer sur le collectif et la démocratie.
En lien avec la question sanitaire, mais pas seulement, ce mardi 1er décembre est aussi une journée de grèves et d’actions dans les vies scolaires, à l’initiative notamment du SNES et du SNETAP-FSU . En première ligne depuis le début de la crise sanitaire, les assistants d’éducation n’ont pas la reconnaissance ni la considération à laquelle ils et elles seraient en droit d’attendre de la part du gouvernement. Exclus des primes (REP et COVID entre autre), il est temps que leurs conditions de travail, d’emploi et de rémunération soient améliorées, comme il est temps de leur proposer des perspectives autres que le chômage au terme des six années de contrat, notamment en agissant sur les voies d’accès à la fonction publique. S’il est encore trop tôt pour avoir un aperçu de la mobilisation, nous savons d’ors et déjà qu’elle sera significative vue leur niveau de rémunération et la perte que cela engage. En outre, cette journée fait suite à d’autres actions menées dans les vies scolaires, notamment depuis la rentrée des vacances d’automne. Aujourd’hui, la gestion de la crise sanitaire et la charge de travail liée au respect du protocole met en lumière la faiblesse des effectifs et provoque de nombreuses situation de tension dans les vies scolaires. L’académie a reçu l’équivalent de 277 ETP pendant 3 mois. C’est un premier pas important pour soulager les vies scolaires, encore faudrait-il qu’ils soient rapidement opérationnels et que la ventilation par département et par établissement arrive très vite. Un appui équivalent se fait toujours attendre dans les lycées agricoles publics… Il y a urgence !
Une déclaration liminaire de notre part ne serait pas complète si nous n’interpellions pas la Région sur ses choix en matière d’information sur les métiers, car c’est bien ici que s’arrête votre compétence. Or, force est de constater que la confusion entre information sur les métiers et orientation est savamment orchestrée, notamment au travers du site leklubextraordinaire.fr. Passé notre surprise sur la forme – nous étions loin d’imaginer entrer dans l’univers d’Harry Potter pour un site dédié à l’information sur les métiers – le glissement vers l’orientation est perceptible, en ayant de plus recours à la théorie des talents, très éloignée de ce que nous portons en terme de construction de la personnalité des élèves et de construction de leur orientation. Car si l’on suit la logique irriguant ce site, chaque élève possède un talent qu’il lui suffirait de trouver pour s’épanouir dans son orientation ( le titre de la page du site est bien : « venez révéler votre talent et devenez membre »). Partant de ce principe, l’orientation est effectivement simple : une fois son talent découvert, il suffit de suivre la voie tracée pour suivre une formation et avoir un métier. Il nous semble que la réalité est un peu plus compliquée que cela.
Enfin, terminons sur un sujet de saison, que malgré tout, nous n’abordons que trop rarement dans ce CAEN, il s’agit des dotations globales de fonctionnement des lycées. En cette période de vote des budgets des établissements, nous constatons que la subvention accordée par la Région est en baisse quasiment partout, parfois dans des proportions très importantes (-25%). Alors que les établissements ont dû faire face à des dépenses importantes pour l’achat de solutions hydroalcoolique et de divers matériels en juin (les dotations de la Région ne sont arrivées qu’en septembre), que de nombreuses remises d’ordre ont dû être faites aux familles en raison du confinement, qu’un certain nombre de dépenses ont continué à être engagées pendant la période et que le fonctionnement au ralenti des lycées depuis la rentrée de novembre coûte plus cher, notamment sur la demi-pension, ces baisses de dotations sont incompréhensibles. Tous les chapitres budgétaires sont impactés par ces baisses, notamment le chapitre activité pédagogiques, doublement amputé par la baisse très forte de la taxe d’apprentissage pour les lycées professionnels et technologiques.
Notons que cette baisse de la TA est le résultat de réformes favorables à l’apprentissage soutenues par la Région, notamment la réforme portée par le Ministre Rebsamen de 2016.
Certes, certaines dépenses ne seront pas engagées cette année, notamment les voyages scolaires, mais ces baisses de dotations sont très mal-venues, notamment dans le contexte de crise sanitaire et sociale actuelle.
L’article R234-10 du code de l’éducation prévoit que le CAEN soit consulté sur les modalités d’attribution des subventions allouées aux établissements. Nous demandons donc que le CAEN soit consulté et que ses membres soient éclairés sur le sujet. Cela implique donc que nous soient communiquées les DGF des établissements, ainsi que leur évolution.